samedi 5 janvier 2013

Le Conte des contes (Youri Norstein)



Le Conte de contes
Soixante ans de Walt Disney et dix ans de Pixar technologiques, lisses, bavards et pré-mâchés qu'on regarde entre un Coca et un Big Mac, ont suffi à poser sur nous une grille de lecture invisible mais bien quadrillée, façon militaire, à nous plonger à notre insu, lentement, insidieusement, dans un état hypnotique dont les pires régimes totalitaires auraient rêvé. Ils n'avaient pas songé que la dictature commerciale du goût aboutirait aussi à un sorte de totalité du dégoût.

Quelle distance entre ces deux 
images !












C'est ainsi qu'on arrive devant un chef d'œuvre tel que Youri Norstein l'a conçu il y a quarante ans bientôt.
Sans "comprendre" (c'est bon signe). 

Dans Le Conte des contes, l'équivoque est un plaisir de l'esprit qu'on croyait avoir oublié. Les amateurs de théâtre, de scénographie et des dessins de Kantor y retrouveront un trait qu'ils ont aimé. 





Le sépia me rappelle les archives filmiques du cinéma des années 20, le Minotaure m'a l'air calqué sur des vases grecs anciens, la pluie, la neige sont eux de tout temps. Ce temps des contes, des mythes, du rêve, n'a pas la valeur qu'on lui associe d'ordinaire. 


C'est un temps propre aux films de Youri Norstein. Il fut produit en 7 années à la main dans les studios soviétiques (un chiffre de contes là aussi). Et non en 7 jours sur écran. C'est peut-être ce qui lui donne sa pâte, la trace de la main qui fait les bonnes confitures...

Le loup, plantigrade qui ne craint pas les profondeurs des forêts ni des froids dégrés centigrades, danse autour d'une patate qui lui réchauffe le cœur ; lui qui traversa et les peurs des enfants et les siècles de contes, et puis ce film. Il a une tendresse qui révoque les idées reçues, c'est un loup qui connaît bien les enfants. Il est même fait de leurs rêves.

Une poudre animée plus qu'un dessin, une superposition de mythes, d'éléments poétiques et de rythmes sonores, des plans où tout est vivant, où le regard a le temps de se promener, de se forger, d'être lui-même, enfin lui-même. Car deux personnes n'auront pas vu le même conte au sortir des 28 minutes de ce rêve pictural. Parce que je suis un pauvre artiste, j'y vois assez que l'homme enfante, berce ses créatures (et l'artiste ses œuvres) et a aussi besoin de manger. Et si le froid ne l'a pas tué, la guerre bien le fera.

Je ne m'aventurerai pas à une éxégèse de ce film. D'autres, universitaires, s'y sont employés et même peut-être cassé les dents car Youri Norstein, comme qui dirait, est inoxydable.


Et bien sûr : Introuvable dans le commerce.
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M. Hervé Joubert-Laurencin lui a consacré une étude :
http://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100011070


1 http://www.youtube.com/watch?v=Tmcp4XNCWRY
2 http://www.youtube.com/watch?v=PBniVo80Mec
3 http://www.youtube.com/watch?v=UjndixMcl8g
4 http://www.youtube.com/watch?v=xB7H1wrcFjc


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